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Amsterdam et Ses Fêtes Musicales

Festival Amsterdam-déambulations européennes

  Grachtenfestival sur le Prinsengracht en 2015 - © avrotrosklassiekemusiek.nl/e

“Tout est musique. Un tableau, un paysage, un livre, un voyage ne valent que si on entend leur musique.” Jacques de Bourbon-Busset

A travers mes différentes rubriques, je m'efforce de faire entendre la musique singulière de lieux, d'artistes, d'oeuvres littéraires ou artistiques, de chansons, d'histoires humaines et de traditions culturelles ancestrales ou proches de nous. Et à Amsterdam, Dieu sait si l"on entend une musique" unique et chaleureuse. dès que l'on pénètre au coeur de la cité. Cela à double titre : d'abord la combinaison harmonieuse des sons, des silences, des nuances, des rythmes, bien sûr, dont la définition de Beethoven est “la musique est une révélation plus haute que toute sagesse et toute philosophie”, ensuite, la petite musique de la ville qui s'adresse à notre sensibilité et à notre curiosité.

Je veux parler de cette musique feutrée  qui émane de ses centaines de canaux, des murs et des pignons des respectables maisons du Siècle d’Or, le XVIIè siècle - époque très prospère de l’histoire économique, sociale et artistique néerlandaise - de ses innombrables ponts fleuris, de son port, de son quartier rouge, de ses étals de fleurs et de plants de canabis, de ses stands de harengs et d’oignons crus, de ses beautés artistiques inestimables cachées dans des dizaines de musées ou d’hôtels particuliers, de ses centaines de vélos - partie intégrante du paysage hollandais -  et de ses cafés et restaurants animés, ornés de végétation avec goût. Toute une composition qui irradie un je-ne-sais-quoi  qui vous enveloppe comme une symphonie.

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Le marché aux fleurs flottant - © holland.com

Mais pas seulement, car ce qu'il y a aussi de séduisant, c’est ce contraste entre  ses  architectures nobles multi-séculaires et l’extraordinaire jeunesse qui se dégage d’Amsterdam. Un mix très rare que l’on ne rencontre pas si souvent dans les plus belles capitales d’Europe. Ce charme est dû, en partie, à sa circulation douce et silencieuse et aux innombrables jeunes gens, touristes, étudiants ou non, gais et curieux de profiter de  l'atmosphère qu’offre la ville, de ses distractions, de la présence permanente de l'eau, de sa gastronomie et du nombre de réjouissances et fêtes dont elle regorge, s’adressant à tout le monde. comme l'époustouflant Festival des Lumières et celui dont je vais vous parler. Pour paraphraser Hemingway, “Amsterdam est une fête” . 

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Un canal à la tombée du jour - © holland.com

Le Grachtenfestival,  Festival Annuel des Canaux - Une fois par an, pendant 10 jours au mois d’août, ce festival de musiques : classique, jazz, pop, rock et cultures lointaines, où des musiciens du monde entier viennent nous surprendre, prend possession, depuis vingt-quatre ans, du centre d'Amsterdam. Celui-ci devient la plus belle salle de concert du nord de l’Europe, dans une ambiance bon enfant, attentive et enthousiaste. Sons du passé et du présent se rejoignent dans des combinaisons  de styles, de notes et de lieux inattendus. Ainsi, s’enchaînent selon les années environ 150 concerts pour 50 à 55 000 auditeurs-promeneurs venus découvrir talents naissants et musiciens couverts de gloire. Des dizaines d'endroits de la bonne ville de Rembrandt qui possèdent une valeur culturelle et historique vibrent de musiques : embarcadères, cours cachées, péniches, salles d’époque* dans d’illustres monuments, églises, musées, halls de grands hôtels, jardins invisibles, toits-terrasses chez les habitants, métro, bibliothèques et podiums installés dans les rues cernant les canaux** et, bien sûr…  sur l’eau.

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 Concert d'un duo classique sur la pelouse du Beginhof  -   © holland.com                                                                       

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Grachtenfestival 2018 - orchestre sur podium flottant - © holland.com

Si l’on veut découvrir les étoiles montantes de la musique classique, contemporaine, pop,  rock ou jazz actuels, c’est au Grachtenfestival qu”il faut assister en plein été, dans des endroits décontractés ou solennels et en écoutant, si on en a la chance, l’Orchestre Royal du Concertgebouw qui a la réputation d'être l’un des meilleurs au monde. Pendant 10 jours, la "Venise du Nord" n'est que musique.

Comment est né ce fabuleux Festival ? En réalité il est “l’enfant” du concert unique Prinsengracht, conçu en 1981 sur une idée originale de Hans Duijf, homme d'affaires intuitif, propriétaire d’un magasin de pianos, et de Theo Inniger, directeur de l'Hôtel Pulitzer, pour une première prévue à l'été 1982. Mais avant tout, quelques mots sur l’Hôtel Pulitzer d’où tout est parti.                         

Il s'agit d'un hôtel unique en son genre, composé de vingt-cinq authentiques maisons de canal datant de l'apogée de la ville : XVIIè et XVIIIè siècles, situées sur le Prinsengracht et le Keizersgracht. En 1960, Peter Pulitzer (petit-fils de Joseph Pulitzer, milliardaire américain et fondateur des Prix Pulitzer) a perçu l'immense potentiel des belles demeures délabrées parfois vides, longeant ces canaux, en plein centre respectable et bâties par d'opulents  négociants faisant affaires avec la Compagnie des Indes Orientales néerlandaises.

Pulitzer a acheté douze maisons mitoyennes et les a fait relier les unes aux autres par des architectes imaginatifs, dans le but de créer un nouveau type d’hôtel, faisant sienne une devise : "La maison de votre voisin n’est en vente qu’une seule fois !" Tout le bloc a été organisé, transformé et restauré pour concevoir un unique bâtiment, gardant ses jardins à l’arrière. En une trentaine d’années et sous l’impulsion des propriétaires qui se sont succédé, l’îlot est passé de douze à vingt-cinq maisons à l'angle de ces deux canaux. On a donc là un hôtel de très haut niveau dont la singularité réside dans un dédale complexe de maisons à l'atmosphère Siècle d'Or hollandais, pourvu de restaurants, de pelouses confortables et … d’un concert annuel à grand spectacle enjambant le Prinsengracht.

Le Pulitzer-Amsterdam-déambulations européennes

Plusieurs façades du Pulitzer donnant sur le Prinsengracht avec, accostée au ponton, la vedette privée datant de 1902 - © pulitzeramsterdam.com

C’est donc en 1982, qu’eut lieu le tout premier Prinsengracht Concert, inauguré par la pianiste Barbara Nismann, attirant un millier de spectateurs. En 1984, la population put, pour la première fois, profiter de ce concert à domicile car retransmis en direct sur la chaîne néerlandaise AVROTROS. L’édition s'est ouverte sur l’arrivée théâtrale d’un bateau en forme de piano à queue, amenant le grand violoniste Ivry Gitlis et le pianiste Daniël Wayenberg. La foule était au rendez-vous, la volonté des organisateurs étant que “leur” musique devait être accessible à tous, en tout cas très abordable, le dynamique et mélomane Hans Duijf  adorant "créer des moments de chair de poule".  Mission  fort bien accomplie !

En 1998, la première édition du Grachtenfestival vit le jour grâce au Prinsengracht Concert et dura 4 jours, ce dernier constituant systématiquement le point d’orgue du Grachtenfestival. Au fil des ans, le festival d’abord classique s'est développé en proposant d'autres styles de musiques. En outre, il est devenu l'une des scènes européennes  pour les jeunes talents dans le domaine du classique, tremplin pour leur carrière musicale, surtout s’ils sont lauréats du Conservatoire du Grachtenfestival hébergé par le Koncon - acronyme de Koninklijk Conservatorium Den Haag - situé à La Haye.

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Concert de xylophones au Vondelpark - ph.robert verhoeven - © holland.com

Amsterdam festival déambulations européennes

Encombrement maximal sur le Prinsengracht  avant le concert - nl.wikipedia.org

A noter que l’année 2013 fut une date anniversaire très particulière : Amsterdam fêtait le 400è anniversaire de la construction des canaux et  l'Orchestre Royal du Concertgebouw ses 125 ans d’existence. Le 32è Prinsenconcert élabora par conséquent une célébration prestigieuse : le chef Sir Antonio Pappano dirigea un programme époustouflant avec 90 musiciens,  et  d’importants moyens financiers et techniques furent déployés ... sur l'eau bien sûr. 

Chaque année, les visiteurs se pressent le long du quai pour profiter des sons harmonieux des canaux,  à pied  ou  depuis leurs barques , munis de leur panier de pique-nique et de leurs bouteilles de rosé ou  canettes de bière… 

L'encombrement provoqué par les centaines de petits canots privés est considérable mais touchant de convivialité et de ferveur. La décontraction est de mise, car on a là  une grand messe musicale en plein air.

Bien sûr, la ville a pensé aux enfants petits et grands avec le Kindergrachtfestival qui déploie  un programme spécial à l'aide de spectacles très sympathiques, souvent donnés par des enfants (ou adolescents prometteurs) et pour les enfants, dans des endroits comme  le Jardin Botanique et le Zoo. C‘est devenu, depuis, la fête musicale annuelle des Juniors.

"Aan de Amsterdamse grachten" - “Aux canaux d'Amsterdam” - On ne peut quitter le concert de clôture sans écouter - ou chanter si on la connaît - la chanson du compositeur Pieter Goemans, écrite en 1949, sur une mélodie élaborée et agréable,  au rythme de valse. Chanson standard célébrant la ville d' Amsterdam devenue l'une des plus populaires des Pays-Bas. C’est en passant le pont sous lequel le Prinsengracht et le Leidsegracht se croisent que Goemans en eut l'inspiration. Selon le  texte, le compositeur a donné son cœur aux canaux d'Amsterdam,  la ville emplit ses pensées et rien ne pourrait être plus enviable que d'être  Amstellodamois. On le comprend ! En 2008, la municipalité donna le nom de Pieter Goemans au fameux pont. 

Ecoutez Aan de Amsterdamse grachten ici, plein écran, interprétée à la fin du Prinsengrachtconcert de 2014 dont les invités vedettes étaient la talentueuse violoniste Lisa Batiashvili et son mari le hautboïste François Leleux. 

Amsterdam festival-déambulations européennes

Jeune Quatuor à cordes dans les serres du Jardin Botanique -

ph wouter zaalberg - © holland.com

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Vue nocturne de la scène du Prinsengracht Concert au moment de l'interprétation de Aan de Amsterdamse grachten en 2014  © avrotros.nl/prinsengrachtconcert

Amsterdam-déambulations européennes

Vue aérienne d'Amsterdam  montrant les canaux concentriques du 17è siècle

il y en a plus qu'à Venise - ph UNESCO world heritage centre

Notes

*Une salle d' époque est une pièce reconstituant, dans un musée, une période déterminée. Au moyen de meubles précieux, de tissus, de tentures murales, d’oeuvres d’art, de peintures, de tapis, d’objets et de faïences de Delft, on peut se faire une idée précise de la façon dont la population privilégiée vivait quotidiennement.

** gracht signifie canal en néerlandais

Car, ce sont les artistes vedettes - chanteurs ou instrumentistes - qui donnent traditionnellement le coup d’envoi et dirigent ce que l’on peut  appeler  l’hymne  amstellodamois, repris par des milliers de gosiers, avec le drapeau aux trois croix de Saint-André.  A ce moment rare, la foule exprime une jubilation communicative  très  chaleureuse. et une belle unité. Voici son  refrain en Français : 

"Tous ces gens d'Amsterdam, Toutes ces lumières tard dans la nuit sur la place,

Personne ne pouvait rêver mieux, 

Que d'être un Amstellodamois. !"

Sérène Waroux-2022

P.S Apprenant par le site de CONCERT CLASSIC <webmaster@concertclassic.com> du 9 mars 2022, que le Russe Tugan Sokhiev vient de démissionner de la Direction de l’Orchestre de Toulouse ainsi que de la Direction Musicale du Bolchoï, pour les graves raisons politiques internationales que l’on connaît et  la pression qui s’est exercée sur lui pour “choisir une famille musicale plutôt qu’une autre” , je veux citer - parce que cela m’attriste - ces deux extraits du communiqué qu’il a publié sur le site de l'ONCT :  “Nous, musiciens, avons la chance de pouvoir parler cette langue internationale (la musique) qui peut parfois exprimer plus que n'importe quel mot connu de la civilisation. (...) Elle relie les gens et les artistes des différents continents et cultures, elle guérit les âmes à travers les frontières et donne l'espoir d'une existence paisible sur cette planète. La musique peut être dramatique, lyrique, drôle, triste mais jamais offensante”.  

Ayant vécu quelques jours musicaux fantastiques à Amsterdam

je ne peux qu'approuver ces termes et surtout, ce "jamais offensante".

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