Hambourg, l'Effarante Histoire
de l'Atlantic
Vue de l'Atlantic Hotel depuis le lac Aussen-Alster
Et par le pouvoir d'un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté
Paul Eluard - 1942
Hambourg, Ville-Etat, Ville des Armateurs et Porte sur le Monde * Le nom complet de la ville de Hambourg, dans le nord de l’Allemagne, est ville libre et hanséatique de Hambourg. Libre depuis le XIIè siècle grâce à son statut de Ville-Etat car cité autonome gouvernée par un Sénat local. Hanséatique car fait référence à son ancienne appartenance à La Hanse, ligue historique** - de conception extrêmement moderne - des villes marchandes de l'Europe du Nord autour de la mer du Nord et de la Baltique, au Moyen-Age. Leur commerce reposait sur des privilèges jalousement défendus, octroyés par divers souverains européens. La Hanse regroupait 35 villes et des dizaines de comptoirs dans ses meilleures années. Le passé de Hambourg en matière de navigation commerciale et de voyageurs est donc d’une immense richesse. Il n’est pas étonnant qu’elle fût surnommée la Ville des Armateurs***, comme il n'est pas étonnant que ce soit deux des plus gros armateurs.
Le globe terrestre lumineux soutenu par deux cariatides assises. Emblème centenaire de l'Atlantic
La Hamburg American Line (HAPAG fondée en mai 1847, devenue en 1970 HAPAG-Lloyd AG) et la Hamburg South America Line, qui aient été les concepteurs, les réalisateurs et les pilotes de la plus belle oeuvre d'art ... et d'art de vivre du moment : l'Atlantic Hotel. Cela sur un terrain appartenant au financier berlinois Adolf Eberbach, à l'angle de An der Alster, justement destiné à la construction d'un hôtel.
C'est Albert Ballin, directeur général de la HAPAG (qui devint l'une des premières compagnies maritimes mondiales) - homme visionnaire, en 1890 il inventa la croisière d'hiver vers les pays chauds**** - qui eut l'idée de faire construire, dans le quartier de Sankt-Georg, cet établissement hôtelier de tout premier ordre. Car il était devenu nécessaire d'accueillir les riches passagers des paquebots de ces deux compagnies, avant leur traversée de l'Atlantique. Combinaison géniale car généreuse, lucrative en même temps que prestigieuse !
2 mai 1909 - Inauguration de l'Atlantic
Carte postale du bâtiment en 1909 - on remarquera que le globe et les statues dominaient aussi l'entrée d'honneur à cette époque
Dès que le projet fut agréé et que les plans furent achevés, la construction de cinq étages de style néo-classique se fit en un temps record : de 1907 à 1909 sur les rives du lac Aussen-Alster, fierté de Hambourg, à quelques pas de la vieille ville, pour un coût de 14 millions de marks-or (environ 69 millions d'euros). On ne lésina ni sur les volumes : plusieurs salons et imposante salle de bal, ni sur la décoration intérieure et le mobilier, ni sur le confort, ni sur la qualité du personnel d'accueil, de cuisine et d'entretien, ni sur les services proposés comme par exemple une agence de voyages ou un vrai afternoon-tea servi dans le jardin d'hiver. Tout respirait le luxe.
Le 2 mai 1909, un vapeur conduisit les 240 invités, clients des premières classes de la HAPAG, au ponton de l'Atlantic, dont la pierre blanche de la façade et des hautes colonnes resplendissait. Le banquet présidé par le chancelier von Bülow, fut copieux en même temps qu'international et raffiné, car qui dit prestige dit nécessairement gastronomie ; règle que l'Atlantic observe depuis maintenant 112 ans. Le fait que Franz Pfordte - admirateur de la cuisine française - déménage son propre restaurant très renommé dans le nouvel Hôtel Atlantic, fut l'un des atouts qui contribuèrent au démarrage de l'hôtel. La réussite fut telle qu'une semaine après l'inauguration, l'établissement fit le plein de réservations. Le Château Blanc, comme on le surnomma, devint alors le lieu de rencontre de la haute société hambourgeoise et des personnalités de premier plan du monde entier. La liste des clients prestigieux n’en finit pas de s’allonger : l’industriel Henry Ford, le roi Fouad 1er d’Egypte, le banquier J.P Morgan, des princes et des grands-ducs russes et le futur empereur Hirohito du Japon. De nombreuses festivités majeures locales et nationales commencèrent à se dérouler dans ce lieu unique, point de repère saisissant sur le lac, qui acquit rapidement le statut de "the place to be". Mais, bien vite, de lourdes épreuves vont se succéder.
Les 35 personnes constituant la brigade dès l'ouverture, posant dans le jardin d'hiver
Vue du Hall de Réception dès sa finition en 1909, style Art Nouveau sobre, quasiment Art Déco
Première Epreuve : la guerre de 1914-1918 - Pour la plupart des pays belligérants alliés, la Première guerre mondiale fut une boucherie. Or, la population de l'empire de Guillaume II souffrit aussi mais de façon différente. En effet, au mois de juillet 1914, la florissante Hambourg, qui avait atteint un million d’habitants en 1910, connut de graves tensions sociales , sa prospérité étant inégalement répartie. Il y avait les riches industriels, armateurs, gros négociants et hauts fonctionnaires d'un côté et les milliers d' ouvriers et de dockers rétribués à la semaine, de l'autre.
Il faut savoir que depuis les guerres balkaniques, les principales puissances européennes s’étaient engagées dans un renforcement massif de leur appareil militaire. Ainsi, les effectifs des armées, les tonnages des marines de guerre et les budgets militaires connaissaient une forte croissance dans les années qui précédèrent le conflit. Le Reich avait eu recours massivement à l'emprunt public pour financer cette entreprise militaire. Mais l'ampleur fut telle qu’elle tournera à la catastrophe. Guillaume II accéléra le développement de la marine, provoquant une course aux armements avec l'Empire britannique. Il forma aussi de nouveaux soldats, en réponse à la politique de réarmement russe, perçue comme menaçante. Il se sentait menacé de tous côtés ! Les effectifs de l'armée allemande passèrent donc de 761 000 soldats au 1er octobre 1913 à 821 000 en octobre 1914 . Parallèlement, les Alliés renforcèrent leur propre arsenal.
De son côté, conscient que la rivalité navale entre le Royaume-Uni et l'Empire allemand, pouvait mener à la guerre, Albert Ballin - patron de la HAPAG et de l'Atlantic - extrêmement inquiet, avait tenté une médiation entre les deux pays. En juillet 1914, il avait rencontré Winston Churchill, alors premier Lord de l'Amirauté. En vain. Lorsque la guerre éclata à la fin du mois, un paquebot de la HAPAG, le magnifique Vaterland, qui se trouvait immobilisé aux États-Unis fut finalement saisi. Renommé SS Leviathan il servira au transport de troupes de 1917 à 1919, puis reprendra du service comme transatlantique américain.
Carte postale belge caricaturant Guillaume II après la bataille de Liège
A ce sujet, lire l'Aventure Baroque du Café Liégeois
A Hambourg, les journaux rendent compte des mobilisations et des menaces de guerre, la tension monte dans la population ; des manifestations ont lieu à travers la ville mais le gouvernement justifie la nécessité d’une offensive contre la Russie tsariste ! Les milieux patriciens, quant à eux, montrent leur approbation à l’Empereur. En 4 ans, près de 230 000 hommes de Hambourg participeront à la guerre comme soldats, 34 200 seront tués. Peu après le début des hostilités, le chômage se fait déjà sentir dans les métiers qui dépendent du port et du commerce. Suit le manque de logements, puis la faim frappe les plus pauvres. A la suite du blocus maritime anglais, le port est réduit à l’inactivité.
Carte postale représentant une partie du port Kaiser Wilhelm
en 1900
L’emploi dans le transbordement tombe, seuls les chantiers navals construisant des torpilleurs et des sous-marins contribuent à ce que, dès l’automne 1914, le chômage cède la place à une pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Le travail des femmes est nécessaire… on les a allégées de leurs fameux "trois K" ! *****
1915 : les habitants souffrent des contingentements des matières essentielles et des produits alimentaires. Le Secours de Guerre ouvre des cuisines ambulantes. La solidarité de la population se manifeste par des dons de toute nature. Au printemps, l’administration rationne pain et farine. S'amorce également une pénurie de pommes de terre. Puis c’est “l’hiver des navets” de 1916-1917 qui devient synonyme de crise alimentaire sévère, accompagnée de longues files d'attente.
Or, en tant que Ville-État, Hambourg ne possède pas d'arrière-pays agricole auprès duquel se ravitailler, elle est dépendante de ses voisins. Malgré cela, les classes possédantes n’ont, jusqu’ici, souffert d’aucune restriction importante, solidarité de caste et combines obligent ! Les conservateurs argumentent qu’il ne faut pas montrer aux ennemis que Hambourg est affaiblie. (Que le jésuitisme est meurtrier quand il s'y met !) C'est l’inégalité - très ancienne - des moyens d’approvisionnement selon les différences sociales qui contribue à ce déséquilibre. Pendant cet “hiver des navets”, ces racines que la ville a stockées servent d’ersatz à d’autres produits alimentaires, mais, à la fin de l’hiver, elles doivent être rationnées.
Au printemps 1917, le taux de mortalité est en forte augmentation et le marché noir va bon train. Des restrictions de charbon sont décrétées. La famine et le froid sapent le moral de la population. Même les milieux commerçants libéraux émettent des revendications sur les objectifs de guerre. Car, ce conflit est pour eux, comme pour beaucoup, incompréhensible. Toujours en 1917, Guillaume II annonce une guerre sous-marine à outrance. Cependant, en août, près de 10 000 ouvriers se réunissent sur l’immense espace du Heiligengeistfeld à Sankt-Pauli et réclament la paix, la liberté, l’égalité et ... du pain. Du jamais vu à un tel degré.
Appel aux dons pour la flotte allemande en octobre 1916.
Espace de plusieurs hectares du Heiligengeistfeld en 1900,
Ici une démonstration masculine de gymnastique
Six mois plus tard en janvier 1918, ce sont 25 000 ouvriers des chantiers navals et de la métallurgie qui entament une grève pour l’amélioration des conditions de vie, la paix et la démocratisation de la vie politique. Hambourg avait toujours été le centre du mouvement syndicaliste de l'empire. Et pour cause !
Le 6 novembre 1918, la révolution est en marche, l’initiative est passée à la rue. Le 9 novembre 1918, jour de l'annonce de l'abdication de Guillaume II et de la proclamation de la République en Allemagne, Albert Ballin, désespéré, met fin à ses jours. Pendant toute la guerre, il a vu ses compagnies courir à la faillite en raison de l'impossibilité d'effectuer un service régulier et de la perte de ses cargos et de ses paquebots.
Le 11, la guerre est terminée et comme Ballin l’avait prévu, ses navires Imperator et Bismarck sont vendus - mal - au Royaume-Uni comme réparations de dommages de guerre. Le 11 novembre, les Conseils d’ouvriers et de soldats choisissent un directoire au sein duquel, jusqu’à mi-janvier 1919 le Sénat et le Parlement sont déclarés dissous. Mesure supprimée après que les élites bourgeoises ont prévenu que la ville allait être précipitée dans la ruine financière et le chaos. Finalement, ces Conseils collaborent avec les syndicats, le Sénat et l’Administration pour assurer l’approvisionnement de la population. Or, les pénuries perdurent. Nouveaux troubles, réprimés par l'armée.
Guillaume II, un empereur
borné et meurtrier
Albert Ballin, un exceptionnel
chef d'entreprise
Deuxième épreuve - Le Traité de Versailles, le 28 juin 1919, choque les armateurs et les négociants de Hambourg qui voient réduits à néant le port, le commerce et l’industrie. Cette situation contient en germe la révolte qui mènera au second conflit mondial, Hambourg avait détenu la ligne de fret maritime la plus active au monde. Ce n’est plus le cas. Quant à L'Atlantic, il avait poursuivi tant bien que mal ses services, malgré le net ralentissement des affaires et l’enrôlement d’une partie du personnel. Mais, comme on l’a vu plus haut l’approvisionnement s’effectuait pour les nantis qui n’ont pas ou peu souffert des rationnements. Albert Ballin avait confié avant sa mort : “C’est la guerre la plus stupide que l'histoire du monde ait jamais vue". Hélas ! Cette même année, l'hôtel est vendu à un consortium de compagnies maritimes.
Livraisons à la France de matériel allemand en tant que réparations des dommages de guerre.
Début des années 1920, la République de Weimar est vue comme "un enfant de la défaite" . La situation économique et humaine se détériore encore plus vite du fait de l'hyperinflation : cette augmentation fulgurante des prix que connaît l'Allemagne entre juin 1921 et janvier 1924, surtout durant 1923. Car aux montants réclamés par les Alliés dans le cadre des dommages de guerre, s'ajoutent le chômage, les conséquences de l'emprunt et l’incapacité du gouvernement allemand à réformer. L'endettement du pays pousse alors le gouvernement à enclencher la planche à billets, en créant de la monnaie-papier plus vite que ce que l'économie ne nécessite.****** Je me souviens qu'au lycée, en étudiant cette période, notre professeur d'histoire nous disait que les gens allaient acheter leur pain avec une valise pleine de billets.
Cela nous sidérait comme nous laissait songeuses la discordance que cela provoquait dans nos cerveaux d'adolescentes avec la réflexion de Girardin que nous analysions parallèlement : "Gouverner, c'est prévoir, et ne rien prévoir, c'est courir à sa perte" ...
Après ces deux périodes douloureuses pour les Hambourgeois et la menace du communisme, en 1924, L'Atlantic accueille à nouveau des hôtes étrangers, comme des monarques et des présidents d'Amérique latine. Le 28 Février 1926, un personnage sulfureux trace son sillon à L'Atlantic : Hitler - en costume et non en uniforme - qui y prend la parole dans le Grand Salon de Réception. Il avait été invité à s’adresser aux membres du prestigieux Hamburger Nationalklub constitué d’hommes d'affaires, de patrons, de gros commerçants, banquiers, officiers de rang supérieur, hauts fonctionnaires, avocats et médecins, dans l’espoir d’obtenir un soutien financier pour son parti. Or ce n’était pas son public habituel. Hitler fait face à ce club très fermé.
Bien conscient que ses aboiements antisémites seraient contre-productifs, il met l’accent sur la nécessité d’éradiquer le communisme, (travail de propagande patient et soigneusement planifié). Et plus Hitler prêche l’intolérance haineuse comme solution aux problèmes, plus son public l’approuve. Il est souvent interrompu par des applaudissements. Le discours se termine par une longue ovation. Hitler revient en octobre 1927, en décembre 1930 et en septembre 1931.
Ses réunions politiques préparatoires se succédèrent à L’Atlantic pour le "renouveau de la conscience nationale". Car le NationalKlub invitait des personnalités de "premier plan" à prendre la parole. L’année 1929 a eu un impact majeur sur la montée du nazisme, conséquence directe du retrait des capitaux américains d’Allemagne entre autres. En 1929 L'Atlantic, à nouveau vendu, est incorporé au consortium industriel Stinnes Konzern.
Grand Salon de Réception dans les années 1920 où se tenaient meetings politiques et événements mondains
Après-midi dansante dans le jardin d'hiver en 1928
Le jazz et le swing sont encore tolérés !
En 1931, le négus Haïlé Sélassié, empereur d’Ethiopie, et sa suite sont les hôtes de l’Atlantic. - Le nouveau directeur général nommé en 1932, Oscar H. Geyer, fait rénover progressivement cet établissement vieillissant.
Années noires - 1933 - Hambourg, ville-état libre et autonome que l'on pouvait penser aussi "autonome d'esprit," va suivre la pente fatale de l'Allemagne. “Hambourg libéral et cosmopolite" n’était en fait qu’une légende. Communistes, sociaux-démocrates et libéraux sont arrêtés. Hambourg devient un Gau (Division administrative du Troisième Reich) jusqu’à 1945. De nombreuses figures de la gauche littéraire et scientifique s'exilent. Le 5 mars, les élections parlementaires au Reichstag donnent 43,9 % au NSDAP et le soir même, les nazis prennent le contrôle de Hambourg, ville éminemment stratégique qui ne pouvait que susciter la convoitise des prédateurs.
Car, depuis le Moyen-Âge, elle est ville d'échanges et d’interface entre l’Allemagne du Nord et le reste du monde, d’où son surnom de Porte sur le Monde. C’est ce statut qui lui a permis de rester une ville-État influente : position géographique en fond d’estuaire combinée à ses liaisons fluviales et à son ouverture sur les mers nordiques. Les nazis en font par conséquent une des cinq Führerestädte (villes du Führer) en investissant pleinement dans d’importants travaux urbains et portuaires. De grandes percées dans la ville, un pont autoroutier au-dessus du fleuve et une tour, siège du parti national-socialiste, sont projetés. Hambourg fera bâtir le plus de bunkers du pays, 700 au total, dont certains indestructibles.
Avril 1933, dans le pays, les nazis organisent progressivement l’éviction des Juifs de la vie économique. Ceux-ci sont chassés des professions libérales, de l’armée, de la justice, de la culture et de la presse. On recense de nombreux actes antisémites à Hambourg, à tel point que la population juive doit demander la protection de la police pendant les fêtes communautaires. Cette communauté aisée, installée depuis des siècles à Hambourg et parfaitement intégrée se voit en l’espace de 6 ans au ban de la société allemande. Au moment de la montée du parti nazi, elle comptait près de
20 000 Juifs. La moitié sera assassinée. Tous les appareils syndicaux, socialistes, chrétiens, libéraux, après avoir essayé de s'intégrer au nouveau régime, sont supprimés dès le mois de mai 1933. À cette date est créée une organisation unique, le Front allemand du travail ou D.A.F. Ce Front perdra son caractère syndical pour ne devenir qu'une gigantesque machine de propagande destinée à organiser les activités des ouvriers dans l'intérêt du régime. En 1935, un habitant de Hambourg sur 26 est membre du NSDAP, plus que la moyenne du Reich... On en reparlera en 1943.
Août 1934, Hitler est plébiscité chef de l'État. Il consacre très vite une visite officielle à Hambourg. Il s'y rendra de nombreuses fois, s’installant à L’Atlantic avec les membres de son gouvernement. Ce n’est pas un hasard : le premier téléscripteur installé dans un hôtel par Siemens en 1934 leur sera très utile. Au-dessus de la cheminée du Hall de L'Atlantic la peinture représentant un gouvernail est remplacée par un portrait du chancelier du Reich, le gouvernail ayant "détrôné” le portrait de Guillaume II qui sera réinstallé plus tard ! Chez eux à Hambourg, le 23 juin 1935, Hitler, Goebbels et Ribbentrop assistent à l'Opéra aux "Meistersingers" de Wagner , sous la direction de Furtwängler. Le titre de l'opéra Les Maîtres Chanteurs est dans cette situation plutôt cocasse.
L'Aviso Grille lors de son lancement en décembre 1934 dans le port de Hambourg
En 1934, un Aviso de 135 m est construit à Hambourg comme yacht d'état ; il est nommé Grille (le grillon), nom historique des yachts de l'amirauté prussienne. Blindé et armé de 3 canons, il sera utilisé par Hitler pour les parades de la Kriegsmarine. Il accueillera des hauts-gradés militaires et des chefs d’État comme l'amiral hongrois Horthy en 1938, le roi d'Italie Victor Emmanuel III en août 1939 et Mussolini en 1942. Prise de guerre des Britanniques, le "Grille" sera vendu au roi Farouk d'Égypte.
A Hambourg, des SS humilient en public un homme juif et son amie chrétienne en leur faisant
porter des écriteaux infamants
Le Horst Wessel, 3-mâts barque, construit pour la formation des cadets de la Kriegsmarine - 1936
Le 15 septembre 1935 sont appliquées les lois infâmes de Nuremberg privant les Juifs de leur citoyenneté, de leurs droits politiques et de relations intimes entre les non-Juifs et les Juifs au nom de "la protection du sang ", situation inextricable pour beaucoup car le nombre de mariages mixtes est bien supérieur à Hambourg que dans le reste de l’Allemagne. Le 13 juin 1936 Hitler est encore dans le port de Hambourg à l'occasion du baptême du splendide navire-école Horst Wessel équipé de canons anti-aériens. Celui-ci reviendra le 15 mai 1946 aux États-Unis comme prise de guerre, attribué à l'US Coast Guard sous le nom de Eagle.
On a vu plus haut la création du Front allemand du Travail. Celui-ci va pousser à l’amélioration des conditions de travail et crée l'organisation "la Force par la joie" ("Kraft durch Freude"= KdF). Le régime offre des avantages aux ouvriers et met au point des croisières pour les plus méritants, crée des séjours de vacances et fait bâtir le colossal village de vacances Prora. Ces mesures, s'ajoutant à la baisse du chômage, expliquent pourquoi les catégories ouvrières, qui semblaient au départ hostiles au nazisme, feront preuve de complaisance à l'égard d’Hitler.
Le KdF fait donc construire un paquebot de croisière de grandes dimensions, le Wilhelm Gustloff conçu pour transporter 1 865 personnes et ne comportant pas de classe de luxe. Il est lancé à Hambourg par la marine allemande le 5 mai 1937, baptisé par Hitler lui-même, salué par la foule bras tendu. Les destinations des croisières ouvrières de 1938 et 1939 sont surtout la Scandinavie en été. Une large publicité est faite lors du premier départ des ouvriers en vacances à l'initiative de l'organisation. Cependant, le paquebot sera réquisitionné dès septembre 1939 pour être transformé en navire-hôpital. Il finira torpillé par un sous-marin soviétique en janvier 1945.
Le M.S. Wilhelm Gustloff lors de sa mise en service
le 21 avril 1938 dans le port de Hambourg - ph Bundesrchiv
Hitler assis à l'arrière du premier modèle de Volkswagen, il ne savait pas conduire - 1937 (STAFF / AFP)
Toujours en 1937, sont promulgués des décrets interdisant le swing, le jazz et la danse sur ces rythmes. Cette musique étrangère dite musique dégénérée est considérée comme musique de la jungle !
Par ailleurs, ayant présenté l'automobile comme une industrie primordiale, Hitler avait annoncé en 1933 la mise en place d'un grand plan de construction routière. Il porte sur la réalisation de 5000 à 6000 kilomètres d'autoroutes. 2000 km sont déjà effectués en décembre 1937. Le fleuron de l'opération sera la construction d'une autoroute de 800 kilomètres, traversant toute l'Allemagne du Nord au Sud et reliant Hambourg à Bâle.
L’autoroute doit œuvrer pour la grandeur et l’unité de la nouvelle Allemagne. C‘est aussi en 1937 que le modèle de la voiture du peuple, conçue par Porsche, est officiellement présenté. Hitler lui attribue le nom de Volkswagen.
Le 28 mars 1938 est signée l’abolition du statut légal des communautés juives ; les persécutions s’accélèrent. Les Juifs des territoires nouvellement annexés sont expulsés. Le 10 novembre 1938, lors de la Nuit de Cristal qui se déroule dans la nuit du 9 au 10 novembre et toute la journée du 11, deux cent soixante sept synagogues sont détruites sur tout le territoire du Reich. A Hambourg, celle de la Bornplatz est profanée et saccagée. En 1939, la communauté juive est forcée de la vendre à la ville à un prix dérisoire. Au cours des années qui suivent, les Juifs sont parqués dans des ghettos ou déportés vers des camps de la mort dont Neuengamme, au sud-est de Hambourg.*******
Synagogue de la Bornplatz. Inaugurée en 1906, elle pouvait accueillir jusqu’à 1 200 fidèles. Elle a été totalement rasée.
Le cuirassé Bismarck lors de sa mise en service en 1940 - ph Bundesarchiv
Le 14 février 1939, le cuirassé Bismarck, monstre des mers - plus grand cuirassé d’Europe, de 251 m - est lancé à Hambourg en présence de Hitler. Mis en service en août 1940, il aura une courte vie car il sera sabordé après avoir été harcelé et immobilisé par la Royal Navy et des marins suédois lors d’un intense bombardement le 27 mai 1941 dans l'Atlantique au large des côtes françaises.
Mai 1939, 16 800 conscrits hambourgeois sont enrôlés. Le 2 juillet 1939, Hitler participe à une cérémonie d'État pour le héros, général de cavalerie, Wilhelm Knochenhauer qui était un puissant partisan du NSDAP, cérémonie organisée avec un grand effort de propagande sur Adolf-Hitler-Platz, la place de l’Hôtel de Ville. C’est la dernière fois qu’il séjourne à l’Atlantic.
La Guerre - 31 août 1939 - Hitler donne à 00h30 l'ordre d'attaquer la Pologne. Au début de la guerre, le conflit armé n'a de conséquences dramatiques que pour les hommes en âge de servir et leurs familles. Puis ce sont des dizaines de milliers de réservistes qui sont appelés.
Dès le début de la guerre, Hitler n’apparut plus à Hambourg. Il n’allait pas remettre les pieds dans les ruines - en 1943 - de ce qui avait été une si brillante métropole, ruines dont il était indirectement l’auteur ! Pourtant il avait promis aux habitants de Hambourg qu'il voulait faire de la ville un "point de repère du Troisième Reich" avec des bâtiments gigantesques et un pont du style du Golden Gate en construction ! D’autant plus qu’ il était déjà l'initiateur du "Grand Hambourg". En effet, trois villes voisines avaient été reliées à Hambourg par la Loi sur le Grand Hambourg qui préfigurait la préparation de la Seconde Guerre mondiale.********
Que se passe-t-il à l'Atlantic pendant ce temps ? La routine, car il y a encore des clients nantis et de très puissants patrons de l'industrie lourde puisque le dossier de presse du groupe hôtelier Kempinski qui, avec à sa tête Dieter Bock l’homme d’affaires le plus riche d’Allemagne, reprendra l’hôtel en 1957 jusqu’à 1994 - Bock gardant l’Atlantic jusqu’à sa mort en 2010 - se contente de mentionner le dîner du réveillon servi le soir du 31 décembre 1939 ! Homard froid mayonnaise, soupe de queue de kangourou (d’où le kangourou provenait-il ?), Lièvre (ou dinde) rôti avec accompagnements, glace à la vanille et fraises fraîches. Avec coupons alimentaires : 20 g de beurre et 50 g de pain. Le rédacteur de ce dossier de presse non daté avait de vraies pudeurs ! Mais la guerre a-t-elle des pudeurs ?
Cependant l’année 1940 est sur le plan des travaux militaires et portuaires extrêmement active, car entre 1940 et 1942 un bunker pour U-boots (sous-marins) est construit dans la partie ouest du port, comportant 5 alvéoles. Il peut accueillir 15 submersibles. Baptisée Fink II , cette installation est le plus grand abri pour U-boots d’Allemagne. Un deuxième plus petit - Elbe II - est édifié dès décembre. Ils seront plastiqués le 11 novembre 1945 par les Britanniques.
Le bunker à U-boots - Elbe II - construit à partir de décembre 1940
Une tour Flak ayant une capacité d' environ 10 000 personnes. Elle pouvait maintenir une cadence de tir de 8 000 coups/ minute avec une portée maximale de 14 km sur 360° - ph Bundesarchiv
En ce qui concerne les autres bunkers, dès 1940 également, après le raid de la RAF sur Berlin en 1940, deux paires de tours Flak - tours de DCA gigantesques - (en Allemand : Flaktürme) sont entreprises à Berlin, Hambourg et Vienne, pour se défendre contre les raids aériens alliés. Elles comportent des murs en béton armé de 3,5 m d'épaisseur. La paire nord est similaire à celle construite à Berlin. La paire sud, de seconde génération, est similaire à celle de Vienne. Elles ont un rôle de défense active de la ville et de défense passive pour protéger des milliers de civils, les trésors des musées de la ville et l’hôpital intégré.
Fin 1940, Hambourg déplore déjà 1 975 morts. Ses habitants doivent s'habituer aux black-out et, à nouveau, à la règlementation de l'approvisionnement en produits de base. En 1941, les premières déportations massives de Juifs commencent. A partir de 1942, les trains de déportation de Hambourg sont dirigés vers Auschwitz et Theresienstadt. Au moins 42 900 personnes de toutes origines et conditions vont périr dans le camp central de Neuengamme, du fait des Kommandos extérieurs ou après l‘évacuation des camps, pendant les Marches de la mort. Le nombre total des victimes hambourgeoises est estimé à 10 000.
La villa Marlier à Wannsee, devenue en 1992 seulement, Lieu de Mémoire et d'Enseignement grâce à l'historien Joseph Wulf
L'année 1942 marque un tournant, car la bataille acharnée de Stalingrad va montrer les limites de l’ invincibilité de l'armée nazie. En effet, la capitulation allemande à Stalingrad (31 janvier 1943) a un impact militaire et idéologique sur les esprits. Un renversement va s’opèrer avec les premières victoires alliées.
Le 20 janvier 1942, Conférence de Wannsee : quinze hauts fonctionnaires du parti nazi et de l'administration allemande se réunissent dans une villa de Wannsee, dans la banlieue de Berlin, pour discuter de la mise en œuvre de ce qu'ils appelèrent "la Solution finale à la question juive" et envisager le sort des 11 millions de Juifs, à l'échelle du continent européen (Voir le film implacable La Conférence de Matti Geschonneck qui se déroule dans la villa - 2022)
Les batailles aériennes sont enfin considérées comme un moyen de “détruire le système nerveux d’un pays”, explique l’historien militaire Michel Goya. "L’idée est d’arriver à vaincre à distance (...) En frappant les points vitaux d’une nation, on espère provoquer un effondrement intérieur rapide pour mettre fin à la guerre, sans passer par les combats au sol." Chez les Britanniques, en février 1942, le Bomber Command britannique reçoit son nouveau chef : Arthur Travers Harris, qui sera surnommé plus tard “Bomber Harris”. Celui-ci est convaincu de l’efficacité des raids géants, voire monstrueux. Il le démontrera à Hambourg en 1943 et aussi à Dresde en 1945.
Les ports de Lübeck, 28 mars 1942 et Rostock, entre le 24 et le 26 avril, sont les premiers touchés, notamment par des bombes incendiaires. Ci-après une photo de Lübeck en feu, ville natale du grand compositeur et organiste Dietrich Buxtehude, à qui Jean-Sébastien Bach rendit visite en 1705, à 20 ans. Qu'auraient-ils ressenti en voyant un tel désastre qui anéantit la Marienkirch et le Totentanzorgel (orgue dit de "la danse macabre" car installé dans la chapelle qui abritait une très ancienne fresque de danse macabre), sur lequel Bach s'est exercé ?
Dans la nuit du 30 au 31 mai 1942, doit se dérouler l’opération Millenium, concept du bombardement stratégique, avec un premier raid britannique de 1047 bombardiers sur l’Allemagne. La cible est Hambourg, mais le mauvais temps force les avions à se détourner sur la cible secondaire, Cologne. La chasse de nuit allemande est distraite du raid principal par 113 avions alliés envoyés en renfort. Les bombardiers déchargent 1455 tonnes de bombes, la plupart étant des bombes incendiaires larguées sur la ville pendant 75 minutes... 45 000 à 60 000 civils allemands se retrouvent sans abri, 12 840 bâtiments sont détruits. Le bilan s’élève à 490 morts et 5 000 blessés. Une grande partie de la population fuit la ville. Pour Hambourg ce n’est que partie remise… en 1943.
A l’hôtel Atlantic qui poursuit son service, on ajoute une ligne prudente sur les menus : “La possibilité d’une alerte aérienne nous oblige à demander courtoisement à nos distingués clients le paiement immédiat du repas.” Restons réalistes ! Que vont-ils ajouter en 1943 ?
La ville de Lübeck en feu, dont la Marienkirch
Une vieille femme raidie de douleur devant des corps d'enfants à Cologne
Troisième épreuve - juillet-août 1943 - l’Enfer absolu - Le prochain assaut d’ampleur des Alliés va marquer l’abandon des bombardements de précision au profit des bombardements de zone, qui vont s’en prendre bien sûr à des cibles précises mais aussi aux civils. La stratégie - controversée mais finalement appliquée - des Alliés va prendre en compte le fait que si les armées de Hitler sont les premières ennemies, le moral des civils est aussi à combattre énergiquement. Ils vont dorénavant cibler les zones dans lesquelles vivent les civils, mettant à profit les leçons du Blitzkrieg - offensive allemande qui visait à emporter une victoire décisive le plus rapidement possible (guerre éclair) - sur Londres du 7 septembre 1940 au 21 mai 1941 en frappant les domiciles des habitants, donc au coeur d’une population non alertée et terrorisée. La décision des forces britanniques et américaines est donc de lâcher des bombes incendiaires complétées d’ explosifs classiques afin de provoquer un maximum de dégâts et de victimes.
D’abord on cherche à connaître les matériaux avec lesquels les maisons avaient été construites ; puis on applique une nouvelle technologie capable de déjouer les radars allemands et, ensuite, est choisie la cible adéquate. Ce sera la ville de Hambourg, pilier de la puissance militaire et économique allemande qui fait vivre un million et demi d’habitants, participant largement et volontiers à l’effort de guerre. On l’a vu en 1935 avec la popularité croissante du NSDAP chez les ouvriers, devenus ainsi “cible légitime” qu’il faut désespérer pour contraindre le régime d'Hitler à se rendre, au prix de dizaines de milliers de victimes. Les quartiers très peuplés sont donc visés ; nettement moins les quartiers résidentiels où se situe d'ailleurs l'Atlantic Pour beaucoup de témoins et observateurs, les bombardements de la semaine du 24 juillet au 2 août 1943 - 7 raids très massifs - sur Hambourg ont préfiguré l’horreur de Dresde et celle d’Hiroshima.
Opération Gommorah - Le nom de code de l'intervention est Operation Gomorrah , terrifiante allusion biblique, pour faire de la ville portuaire un enfer terrestre, en la bombardant en sept raids successifs s'étalant sur 8 jours et 7 nuits. C’est ce que les aviateurs - dopés aux amphétamines - appellent des bombardements around the clock, c’est-à-dire en continu.
Déluge de bombes au-dessus de Hambourg
Sont impliqués 2 593 avions bombardiers anglais qui lancent la nuit 8 400 tonnes de bombes et 300 forteresses volantes américaines et bombardiers Boeing qui font les attaques diurnes, larguant plus de 300 tonnes de bombes sur les équipes d'assistance et de secours aux populations. Chargées d’agents chimiques hautement combustibles et meurtrières comme le napalm, ces bombes avaient été minutieusement conçues pour détruire et propager des incendies, avec l’idée de profiter de la canicule qui sévit. L'aviation alliée a mis également au point un système de brouillage radars simple du nom de Window : lâchées des bombardiers, des bandelettes de papier d’aluminium doivent leurrer les défenses antiaériennes ennemies, en créant ainsi un écran de fumée virtuel qui rend les radars allemands inutiles. La plus grande armada aérienne jamais réunie va donc larguer de 9 000 à 10 000 tonnes de bombes sur la Porte sur le Monde. Dès le 27 juillet on décompte 20 000 morts…
Photo de traînes de lumières laissées par les bombes incendiaires, emplissant le ciel au-dessus de Hambourg
Le phénomène de la Tempête de feu - Les horreurs se suivent : la nuit la plus paroxystique est celle du 27 au 28 juillet. En effet, le déluge de bombes (2326 tonnes) atteint une telle intensité qu’une perturbation atmosphérique inédite se déclenche : une tempête de feu. Attisé par la canicule et soufflant à près de 270 km/heure, un monstrueux ouragan de flammes incontrôlable, aspirant tout l’oxygène de la zone environnante, se propage dans la ville, le mercure monte jusqu’à 750 degrés.
Les gens s'embrasent comme des torches, volant dans les airs, englués comme dans de la cire en fusion (le napalm est un gel qui colle à la peau et la dévore quand il est brûlant) l'asphalte bout, les vitres fondent, les arbres sont déracinés et cramés. Arrachés des bras de leur mère, des bébés sont happés par le souffle ardent. “A 6 000 mètres, on sentait l'odeur de la chair brûlée” racontera plus tard un pilote. Car l'immense fournaise crée des vents tournoyants, propulsant des volutes de fumée à 6 000 mètres d’altitude ; les abris dans les caves deviennent des pièges.
L'eau des canaux brûle aussi à cause du carburant qui s'échappe des bateaux. Le souffle infernal se propage depuis la gare centrale et détruit en quelques minutes des arrondissements entiers. Au moins 42 000 personnes trouvent la mort ; on n'en saura jamais le nombre exact.
Et plus de 120 000 sont grièvement blessées. Le ciel est rouge à perte de vue. Une superficie approchant les 10 km carrés est incinérée. Plus de 16 000 immeubles d'habitation abritant près de 450 000 personnes sont détruits. C’est le conflit le plus destructeur depuis le début de la guerre. Les jours suivants, presque un million de personnes fuient Hambourg. Simultanément on fait venir des prisonniers des camps pour creuser des tombes, déblayer les gravats et enlever les munitions non explosées... Comme le dit un reporter - cliquez ci-après - dans un film de l'INA : "Ce n'est pas une ville-fantôme mais un fantôme en forme de ville". Et un pilote anglais confiera : “Partout plane et planera longtemps l’odeur de la mort”. Il y a 80 ans, cette année.
Vue du centre ville historique totalement anéanti
Ce qu'il reste de l'église Saint-Nicolas devenue le Mémorial des bombardements de 1943
Vue d'un des trois arrondissements en ruines
L'Atlantic a survécu à cette période apparemment sans "gros" dommages ; le fameux dossier de presse lacunaire évoque l'altruisme et le sang-froid des membres du staff. Commentaire personnel : on peut donc éviter les bombes grâce à l’altruisme ! Certes il fallait colmater toutes les ouvertures pour éviter la puanteur et les fumées toxiques. Et mieux vaut avoir de bonnes caves blindées et bien ravitaillées, ce qui était sûrement le cas ! Cependant le dossier reconnaît que la semaine a été catastrophique.
Terrible image de la condition humaine : des prisonniers des camps dégagent les corps de civils allemands
des décombres d'un immeuble..
Il n’évoque plus l’Hôtel avant... février 1950. Et pourtant. La même année, en novembre, Berlin est attaqué par 1 000 bombardiers anglais et canadiens, mais les dégâts humains et matériels ne sont pas comparables. La guerre n’est pas finie pour autant. Les raids se poursuivent jusqu’au 29 avril 1945. A chaque fois, les dégâts sont colossaux, les Allemands ne pouvant défendre Hambourg face à l’armada de B-17 ou de Lancaster. Ils n’ont plus la maîtrise des airs et seule la DCA permet d'abattre 440 bombardiers alliés sur les milliers
qui survolent la ville. Le 20 juin 1944 deux des plus importantes raffineries de pétrole sont anéanties par la 8e Force aérienne Canadienne Et le 25 août 1944, un groupe d'Alouettes, bombardiers canadiens, attaque le port et surtout, ses zones industrielles Blohm und Voss, le gigantesque chantier naval, n’est plus qu’un amas de ferraille. Les centraux téléphoniques sont détruits et le gazomètre a explosé. Dès lors, il n'y a plus de gaz dans la ville, l'eau manque et la population refuse de rentrer chez elle car la R A F lance des tracts annonçant qu'elle reviendra.
Le chaos est total. Un cordon militaire est installé pour entourer la ville dans laquelle personne ne peut plus entrer. On fait venir d’autres travailleurs forcés du camp de Neuengamme pour les chantiers navals. Malgré le dur travail de déblaiement des carcasses qu’ils devaient accomplir et le danger que représentaient pour eux les attaques, les détenus y voyaient un présage de l’imminence de leur libération. Au début du conflit, le nombre d’employés chez Blohm und Voss - site particulièrement stratégique - avait été de 9 000. En 1945, toute production cesse et, ce, jusqu’en 1950. Qu'aurait pensé ce cher Johannes Brahms de ce que l'avenir avait réservé à sa ville natale ?
Le chantier naval Blohm und Voss "en déconstruction" en 1948 - ph Bundersarchiv
Quatrième épreuve : la Bataille de Hambourg - C’est l'une des dernières batailles de la Seconde Guerre mondiale en Europe, opposant du 18 avril au 3 mai 1945 ce qu’il reste de la 1ère Armée parachutiste allemande au VIIIe Corps Britannique pour le contrôle de la ville. Ce dernier rencontre une résistance acharnée dans la ville désolée qui doit être “nettoyée” maison par maison. Son avancée est retardée par la destruction de plusieurs portions de l’autoroute, freinant les tanks britanniques. Finalement, c’est lorsque la population a connaissance de l'avance de l'Armée rouge en Prusse et de la poussée anglo-américaine dans la Ruhr, que le moral des habitants va céder (comme l'avait souhaité Bomber Harris). Le dernier assaut débute le 28 avril.
Des civils regroupés autour des chars britanniques devant la gare de Hambourg le 8 mai 1945 : curiosité ou soulagement ?
Après le suicide de Hitler le 30 avril, Karl Dönitz - Grand-Amiral que Hitler avait désigné par testament comme son successeur à la tête du Troisième Reich lequel devait durer 1000 ans ! - ordonne au général Alwin Wolz (Commandant de combat de Hambourg depuis le 15 avril 1945) d'entamer des discussions de reddition avec les Britanniques. La capitulation est signée le 3 mai par une délégation allemande. La reddition inconditionnelle de la Wehrmacht a lieu le 8 mai ; la Seconde Guerre mondiale se termine avec elle. L’Allemagne alors divisée en quatre après la Conférence de Potsdam, Hambourg se retrouve sous l'autorité britannique. L’état-major s’installe à l’Atlantic réquisitionné. Le directeur général Oskar Geyer est maintenu avec le personnel encore en place.
Je me souviens que lors de mon séjour à Hambourg - je ne sais plus quelle année, mais une année de commémoration - dans certaines avenues, belles, larges et pimpantes, de grands panneaux de bois fixés aux trottoirs, environ tous les 25 m, exposaient d’immenses photos des décombres des anciens immeubles face à ceux nouvellement construits. Certains murs n'atteignaient plus que la hauteur d'un enfant...Le spectacle était glaçant ; la respectable ville hanséatique, si splendide et si orgueilleuse , avait été fracassée.
On a pu voir que l'Atlantic a vécu une très longue période de turbulences et est resté quasiment intact après quatre très lourdes épreuves sur la ville, comme s'il s'était trouvé sous la protection outre-tombe de son brillant concepteur Albert Ballin. Libéré des troupes d'occupation en février 1950, il réouvre dès le 1er mars .
Années 1950 - La renaissance de l’Atlantic - La ville se relève peu à peu de ces événements dantesques et se reconstruit. Avec l'aide du personnel, l’Atlantic est rapidement nettoyé, raffraîchi et muni d’un débarcadère. Mais aucun investissement ne peut être fait pendant cette période encore difficile. Cependant, les premiers événements mondains s'y déroulent à nouveau comme des expositions,
Relève de la garde britannique devant l'Atlantic - 1945-46
des ventes aux enchères, des concerts, des défilés de mode et on voit arriver les célébrités mondiales les plus diverses, tels des chanteurs d’opéra, des chefs d’orchestre ou le Ministre-Président du Yémen en visite officielle. En 1953 le "Tina Onassis", plus gros pétrolier du monde, est lancé d'un chantier naval de Hambourg. Le dîner de gala regroupe industriels, hommes d’affaires et hommes politiques autour de l’armateur Aristote Onassis et de Tina sa femme. Les années cinquante n'accueillent que du beau monde : le Shah d'Iran, son épouse Soraya et leur suite, le très mondain et très couru "Bal du Derby", le président d'Indonésie, celui du Liberia et même Joséphine Baker, la résistante (!) qui va sur le toit poser sur le dos d'une des caryatides !
En 1959 - L'Hôtel célèbre ses 50 ans à l’aide d’évocations nautiques dans les salons, l’atrium, le Hall et le jardin d’hiver Pour marquer le lancement du MS Francesca, construit pour l’industriel de l'acier et collectionneur le baron Thyssen-Bornemisza (Il fut l’un des héritiers des financiers d’ Hitler, qui participèrent activement à la montée du régime nazi et à son armement) par le chantier naval Werft Blohm & Voss, un grand dîner se tient réunissant des personnalités de l' économie et de la politique dont le prince Otto-Christian von Bismarck (petit-fils du chancelier) qui avait adhéré dès mai 1933 au parti nazi.
L'armateur Aristote Onassis - ph Wikipedia
Arrivée du Shah d'Iran et de la Shabanou Soraya - ph. Hotel Atlantic-Kempinski
Joséphine Baker sur le toit de l'Atlantic - ph Hotel Atlantic-Kempinski
Années 1960 - Hambourg s’est déjà refait une santé au début des années soixante notamment grâce au port à nouveau compétitif à l’échelle européenne. Elle est en train de redevenir une très belle ville retrouvant une certaine joie de vivre. Emblèmes naturels du lieu grâce à leur exceptionnelle situation au coeur même, les deux lacs de l’Alster sont à nouveau le lieu de promenade privilégié des habitants et des quelques touristes ; on en fait le tour en flânant à pied, joggant ou pédalant, on y navigue à voile ou à la rame, on s’arrête aux charmantes terrasses et on y patine l'hiver. L’Atlantic est à nouveau un lieu de conférences internationales très prisé et créateur de plaisirs. Il est vraiment passé entre les gouttes .... de feu !
Régate sur le Lac Aussen-Alster avec l'Atlantic en arrière-plan
Match de soccer sur l'Aussen-Alster gelé face à l'Atlantic
1962 - Le général de Gaulle effectue une visite officielle en Allemagne qui fait partie d’un processus historique important et se rend à Hambourg. accueilli par Adenauer. Une grande foule rassemblée l’acclame ! Que fait de Gaulle ? Il apparaît à une fenêtre, les bras écartés en V et déclare de sa voix unique, en Allemand "Es lebe Hamburg ! Es lebe Deutschland ! Es lebe unsere deutsch-französische Freundschaft” (Vive Hambourg ! Longue vie à l'Allemagne ! Vive notre amitié franco-allemande !). 1965 fournit des étapes solides pour l'économie allemande qui en a bien besoin. Négociations et conférences ont lieu à l'hôtel entre de nombreux experts, ministres, ambassadeurs européens, politiciens.
1966 - Création d'un événement original : Les Semaines Culinaires. La première semaine culinaire française et autrichienne se déroule dans les salons et les cuisines. 1968 – Le lancement du navire de croisière TS "Hamburg" est célébré le 21 février 1968 par un banquet en présence du Prince Louis Ferdinand de Prusse et du chancelier, Kurt Georg Kiesinger, qui avait été membre actif du parti nazi dès 1933 et était devenu directeur adjoint de la propagande radiophonique du Reich... 1969 - 60e anniversaire de l’Atlantic. Le personnel de l'Atlantic évoque en public 60 années mouvementées. Malgré les "difficultés" traversées, l'Hôtel continue à jouir d'une bonne réputation à l’échelle internationale. Ce n'est plus une île au milieu du chaos.
Années 1970 et 80 - Parmi les Invités célèbres on remarque Herbert von Karajan, l'ambassadeur d’URSS ainsi que le commandant d'Apollo 11, Neil Armstrong, le président français Giscard d'Estaing, le secrétaire général de l'ONU, Kurt Waldheim, qui fut président de la république d'Autriche en 1986. À la suite de révélations sur son passé nazi, Waldheim est déclaré persona non grata aux États-Unis et dans d'autres pays. Descendent aussi à l’Atlantic de plus en plus d'acteurs du cinéma, du théâtre et autres artistes du music-hall. En 1970, le chancelier Willy Brandt signe le livre d’or, de même que le peintre expressionniste et écrivain autrichien Oskar Kokoschka qui peignit plusieurs toiles du port dans les années 50 et 60. 1976 - L'Atlantic joue un rôle important dans les réunions de consultation franco-allemandes à Hambourg en juillet En effet, l'Übersee Club (Overseas Club), fondé à Hambourg en 1922 "pour favoriser le statut de Hambourg dans le monde” s’y réunit. Après la Première Guerre mondiale, l'économie allemande avait connu de telles difficultés que les commerçants, les industriels et les personnalités hambourgeoises plaçaient leurs espoirs dans ce Club pour reconstruire l'économie nationale. Initiée par le banquier et homme politique juif-allemand Max M. Warburg, l'idée d'un forum de discussion - un think tank avant la lettre - a émergé dans lequel des esprits exceptionnels doivent se rencontrer.
Le chef d'orchestre Herbert von Karajan
L'astronaute et héros américain Neil Armstrong
Une vue du lobby totalement restauré avec structures conservées - ph. Hotel Atlantic-Kempinski
L'Atrium avec sa vieille fontaine, ses arbustes et ses parasols - ph. Hotel Atlantic-Kempinski
Aujourd'hui, ses 2 000 membres sont attachés à la gouvernance démocratique, à la tolérance et à la compréhension internationale. 1984 - Le Dr Richard von Weizsäcker, nouvellement élu président de la République fédérale d'Allemagne, inscrit son nom dans le livre d'or de l'hôtel. Durant son mandat, chose rare, il élargit le champ d'intervention du président fédéral. En effet, il prend position dans le débat moral et politique, essentiellement sur des questions de société. Toujours dans cette décennie, l’Atlantic est considéré comme faisant partie des meilleurs hôtels du monde.
Il obtiendra un peu plus tard la protection des monuments historiques. C’est un lieu prestigieux doté d'un grand nombre de salons privés, de salles de conférences et de services haut de gamme. Les cuisines vétustes sont entièrement réaménagées et modernisées ; de même, le Lobby (Hall de réception) est redécoré et remeublé, pareil pour les suites, les chambres, le bar, l'atrium et les restaurants.
L’Atlantic se trouve ainsi refait à neuf, juste à temps pour les célébrations des 800 ans du port. Son livre de réservations est plein depuis fort longtemps.
Deux beaux motifs de réjouissances.
Le premier : Le 7 mai 1189, l'empereur Frédéric Barberousse - Frédéric Ier de Hohenstaufen, empereur du Saint-Empire romain germanique - aurait accordé la charte de Ville Libre d'Empire à Hambourg, en remerciement de son assistance lors de la 3è croisade en Terre Sainte, et confirmé les privilèges de commerce, de douane et de navigation sur la Basse Elbe. C’est-à-dire pour les bateaux naviguant sur l’Elbe depuis Hambourg jusqu’à la mer du Nord. Ce jour est toujours célébré comme anniversaire du port, au mois de mai, le Hafengeburtstag.
On sait que la ville doit sa prospérité à son activité maritime : le trafic du port est actuellement de 130 millions de tonnes de fret par an.
Dressé ici pour un mariage, le Grand Salon de Réception - ou Ball-Room - aux allures princières. L'endroit est impressionnant de majesté et de goût. - ph. Hotel Atlantic-Kempinski
Près de 100 000 emplois aujourd’hui dépendent directement et indirectement de ses activités. C’est toute une population qui est subordonnée aux eaux de Hambourg, il est donc naturel qu’une méga-fête populaire rassemble les citoyens fiers de leur cité et des dizaines de milliers de touristes en cette année 1989. Une pièce d'argent est frappée pour l'occasion. L'espace pour les attractions ne manque pas, avec des kilomètres de quais !
Feu d'artifice au-dessus du port illuminé - ph. Voile et Moteur
De nombreuses manifestations sur terre et sur l’eau sont proposées avec défilés traditionnels et historiques ainsi que des stands de dégustation de poisson frais et de spécialités diverses, des concerts de toutes sortes de musiques, des parades maritimes déployant des grands voiliers, des vieux gréements, des navires de guerre ou de croisière, des chalutiers, des canots de pompiers, ceux de la police des voies navigables, ceux de la police fédérale, ceux des services d’urgence et ceux des douanes, illuminés la nuit. Le spectacle des courses de voiliers, celui des barques-dragons ainsi que le ballet des remorqueurs est stupéfiant de beauté. Un feu d’artifice royal clôt 3 jours d’enthousiasme maritime délirant.
Parade de vieux gréements accompagnés de remorqueurs et de vedettes. On aperçoit au second plan le bâtiment futuriste de l'Elbphilharmonie.
ph. Voile et Moteur
Deuxième motif de réjouissance, celui-ci totalement inattendu. Le 9 novembre 1989 : la chute du mur de Berlin, marque la fin de la guerre froide. La réunification allemande deviendra effective le 3 octobre 1990, date qui sera désormais la fête nationale allemande.
Après cette longue narration sur l’étrange destinée de l’Atlantic et celle de Hambourg, je laisse la conclusion à Albert Camus dans le journal Combat le 8 août 1945.
“Devant les perspectives terrifiantes qui s'ouvrent à l'humanité, nous apercevons encore mieux que la paix est le seul combat qui vaille d'être mené. Ce n'est plus une prière, mais un ordre qui doit monter des peuples vers les gouvernements, l'ordre de choisir définitivement entre l'enfer et la raison.”
9 novembre 1989 - réunion Est et Ouest
Delphine d'Alleur - 2023
Notes
* Située au confluent de l'Alster, de la Bille et de l'Elbe et à 140 km de l'embouchure de l'Elbe dans la mer du Nord, car l'Elbe est navigable même pour les porte-conteneurs de gros tonnage
** La Hanse teutonique fut constituée dès 1241 avec la ville de Lübeck
*** Ceux, propriétaires ou non, qui arment les navires, les fournissent en équipage, matériel et avitaillement et tout ce qui est nécessaire à l'exploitation et à l'expédition maritime jusqu’à bon port.
**** En 1890 il eut l'idée révolutionnaire d'utiliser les services de la compagnie pendant les mois d'hiver (quand le temps rend difficile et non rentable le voyage à l'étranger) et ne pas simplement transporter les voyageurs, mais leur permettre de savourer des périodes très agréables dans les endroits chauds et exotiques de la planète. Ses collaborateurs crurent qu'il avait perdu la tête ! Cependant, en janvier 1891, le SS Augusta Victoria navigua pendant six mois en Méditerranée… La demande fut telle qu’ en 1899 Ballin commanda aux chantiers navals la construction du premier navire conçu pour les croisières. Ballin en profita pour créer des hébergements luxueux afin de capter sur place une clientèle aisée.
***** Les trois K = Kinder, Küche, Kirche. En français : enfants, cuisine, église
****** Cette hyperinflation dévastatrice est due à un ensemble de facteurs intriqués les uns dans les autres, dont l'endettement considérable de l'Allemagne.
******* Jusqu'en 1945, 106 000 personnes des pays occupés par l'Allemagne ont été déportées et internées dans ce camp, dans des conditions innommables. Environ 55 000 y ont perdu la vie
******** La loi faisait partie du plan quadriennal, qui visait l'indépendance écono- mique et prévoyait un renforcement militaire - contrairement aux dispositions du traité de Versailles de 1919.
********* Sa texture de gel (essence gélifiée) colle à la peau et brûle les tissus jusqu'à l'os sans qu'il soit possible de stopper sa combustion ou de l’apaiser avec de l’eau. Il est souvent combiné au phosphore blanc pour amplifier ses effets. C’est l’arme la plus vicieuse qui ait été inventée. Elle est aujourd’hui prohibée.
Références
1 - historichotelsthenandnow-com.translate.goog/atlantichamburg
2 - famoushotelsorg.translate.goog/hotels/atlantic
3 - brhhh.com/atlantic-hamburg/en/story
4 - kempinski-dev.s3.amazonaws.com/34380995/press-kit_hotel-atlantic-kempinski-hamburg
5 - nationalgeographic.fr/histoire/en-juillet-1943-le-bombardement-dhambourg-prefigurait-lhorreur-dhiroshima
6 - tracesofevil.com/2008/01/more-sites-in-western-germany
7- originproduction.wikiwand.com/production.wikiwand.com/en/Bombing_of_Hamburg_in_World_War_II
8 - cairn.info/revue-cahiers-bruxellois-2014
9 - sciencespo.fr/mass-violence-war-massacre– resistance/fr/document/l-horreur-et-la-gloire-le-bomber-command-dans-les-souvenirs-britanniques-apres-1945