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Berlin, Promenade Idyllique au Lac Wannsee
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Douceur de vivre sur le Strandbad, longue plage de sable doré du Grand Lac Wannsee avec ses fauteuils-cabines en osier

"Pack die Badehose ein, nimm dein kleines Schwesterlein
Und dann nischt wie raus nach Wannsee
Ja, wir radeln wie der Wind durch den Grunewald geschwind
Und dann sind wir bald am Wannsee".
*

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                 "Prends ton maillot, emmène                    ta petite sœur

Et cours vite jusqu'au Wannsee.

Oui, nous pédalons dans le vent,

Poussés dans la Grünewald,

Et bientôt nous serons au Wannsee"

Prenons le S-Bahn et partons pour le Wannsee

Séjournant dans la Stresemannstraße, avenue fréquentée de Berlin qui eut son heure de gloire, nous nous trouvions à quelques mètres d’une entrée de la station du S-Bahn (abréviation de Schnellbahn) Anhalter Bahnhof. Il nous était donc aisé, un beau matin, de prendre  le train desservant la région du sud-ouest, dont Wannsee, en direction de Potsdam. Quelle ne fut notre surprise lorsque nous découvrîmes que la station se trouvait exactement sous ce que nous pensions être un monument commémoratif bizarre en briques rouges vernissées, sans indications, devant lequel nous étions passés plusieurs fois, perplexes ! Et derrière lequel s’étend un immense parc public informe.

Ce monument incongru est en réalité le seul vestige de l’Anhalter Bahnhof qui était située près de la célèbre Potsdamer Platz et conférait toute son effervescence au quartier.

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Triste vestige du portique d'entrée de l'immense gare Anhalter Bahnhof

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Carte postale colorée de l'Anhalter Bahnhof et de la Stresemannstraße, vers 1900

Le  hall d’entrée de la station souterraine nous fournit les explications indispensables accompagnées de clichés anciens qui nous laissèrent confondus. Si vous connaissez à Paris la Gare du Nord - première gare d’Europe en termes d’utilisateurs - imaginez-la réduite à néant, n’exhibant plus que 25 m de façade blanche, sans fronton, sans statues, sans verrières, sans horloge et ne pouvant dissimuler plusieurs hectares de  l’immense réseau de ponts et de rails devenu terrain vague. Glaçant.

L’Anhalter Bahnhof, inaugurée sous le règne de Guillaume Ier en 1880,  fut la plus importante des gares-terminus de la capitale allemande. Lors de l’encerclement de Berlin par les Alliés, pendant la Seconde Guerre mondiale, deux bombardements aériens, les 3 et 25 février 1945, l’endommagèrent fortement, puis ceux situés entre fin mars et début mai 1945  l’anéantirent.  Il faudra aux berlinois des mois de travail, de destructions à l'explosif pour abattre le bâtiment, charrier et évacuer les déblais, tâche exécutée le plus souvent par “les femmes des ruines" (Trümmerfrauen). Il sera officiellement fermé en 1952. Seule la gare souterraine continuera de fonctionner. Ces trois arches solitaires, en bordure de trottoir, constituent un repère dans le temps, l’espace et l'humanité. Le Mémorial est minuscule, discret et muet, mais il semble  en émaner un incommensurable reproche.

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Vue aérienne du même secteur fin 1945

Traversons la forêt de Grünewald, descendons Gare de Wannsee

Rien de plus reposant, après cette émouvante découverte, que de parcourir en train les 19 km qui nous séparent de la jolie gare de Wannsee et de traverser la forêt de Grünewald. C’est l’une des plus belles zones boisées de l'ouest de Berlin, paradis des promeneurs et des cyclistes, un de ses poumons verts. Occupant 3.000 hectares protégés, c’est un lieu relaxant et sportif qui abrite bien des curiosités. 

Comme le Karlsberg où l’on profite de la Tour de Grünewald qui offre une vue magnifique sur la rivière Havel et le Wannsee. Comme le Teufelsberg, colline constituée de décombres provenant de la destruction de Berlin - il faut savoir que les Berlinois avaient dû déblayer 75 millions de mètres cubes de gravats pour en faire du matériel de reconstruction, l'inutile  étant entassé pour créer des "montagnes" ! Actuellement s'y trouve une ancienne station d'écoute américaine des années 50, la plus importante du réseau d'espionnage des Alliés pendant la guerre froide, on était à Berlin-Ouest.  Elle fut transformée en centre d’exposition de street art.

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Vue sur la rivière Havel, le Wannsee et les premières habitations de Berlin depuis

la Tour de Grünewald

C'est un des points culminants de Berlin avec ses 115 mètres. On y bénéficie d’une vue exceptionnelle sur la capitale. Autre curiosité, le pavillon de chasse de Grünewald, le plus ancien château prussien de Berlin, exemple d'architecture Renaissance resté intact. La Grünewald, elle aussi, avait beaucoup souffert de la guerre, une grande partie de ses vieux arbres ayant fini dans les poêles des habitants démunis et désespérés. De même, le beau parc de Tiergarten avait quasiment disparu...

Nous voici dans la charmante commune de Wannsee, isolée sur une presqu'île entre de nombreux lacs. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, les rives du Grand Lac Wannsee - dans toute l'Europe, l'un des plus grands plans d'eau intérieurs (on est dans un quartier de Berlin) - se sont développées pour devenir un endroit résidentiel ou d'agrément  recherché par l'élite berlinoise. Ses premières villas cossues ont été construites dès 1870, la municipalité ne fut fondée qu'en 1898.

Prenons l'autobus qui va emprunter la rue Groβen Wannsee - soit du Grand Wannsee - sur la rive ouest du lac. Le Wannsee est le lieu de baignade populaire par excellence depuis plus de 100 ans. Sa plage artificielle, le Stranbad, ouverte en 1907, offre une étendue de sable de 1 km300 comportant une multitude d’installations nautiques. De belles demeures aux jardins élaborés ou aux parcs impressionnants léchés par les eaux du lac, nous attendent. Le Strandbad Wannsee a fêté son centenaire en 2007. L'ensemble du site est classé au Patrimoine  Mondial de l'UNESCO.

Mein klein Versailles du peintre Max Liebermann

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Façade sud de la Villa am Wannsee avec son jardin luxuriant et son alignement de platanes

Max Liebermann - peintre réaliste puis post-impressionniste (1847-1935) - a 62 ans, en 1909, quand il commande à l'architecte Paul Baumgarten la conception d’ une villa avec ponton au bord du lac.  Il  la nomme Villa am Wannsee. mais, pour son jardin à la française qu'il dessine et aménage lui-même, il la surnomme Mon petit Versailles. Jusqu'à sa mort, en 1935, il y passera régulièrement en famille les mois d'été, peignant sans cesse l'évolution des massifs au cours des heures de la journée. Comme Monet à Giverny.

Sa carrière - Contemporain du mouvement impressionniste, sans s'y associer, Liebermann, issu d’un milieu juif industriel fortuné,  s’inscrit, dans les années 1870, dans un net courant naturaliste de scènes populaires, peu prisé par le public allemand, au point de voir ses travaux qualifiés de peinture du sale ! Son réalisme "terre à terre" heurtait les goûts classiques du moment. Démotivé, il va  s’installer à Paris et fréquenter les peintres de l’Ecole de Barbizon comme Millet, Rousseau, Daubigny ou Corot. Puis, en 1875, il part séjourner en Hollande où il étudie les diverses influences picturales, dans lesquelles il va trouver son propre style. Rentrant à Paris, il participe au Salon de Paris qui ne lui apporte pas la réussite rêvée ; en outre, de nationalité allemande, il n’est pas reconnu en tant qu'artiste à part entière, pour des raisons patriotiques. On n’est pas loin du terrible conflit contre les Prussiens de 1870-1871.  En revanche, ses séjours répétés aux Pays-Bas lui valent un début de notoriété. 

Or, c’est le 15 avril 1874 qu’ ouvre à Paris la première exposition impressionniste…. Mais il ne se laissera pas encore absorber par ce courant et séjournera à Munich et à nouveau aux Pays-Bas, persistant dans  le paysagisme et le naturalisme. Cependant, il commence à peindre des motifs en exploitant - enfin - la lumière traversant les feuillages et les nuages, que l'on appellera les taches de soleil à la Liebermann, créant ainsi une atmosphère diaphane et poétique qui va le relier à l’impressionnisme : importance des lumières et des contrastes, palette claire, touches légères et fragmentées et  spontanéité des motifs.

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Façade côté lac avec sa terrasse et la pelouse 

descendant au ponton

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La roseraie avec sa sphère armillaire et l'allée menant au lac

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Garçons se baignant - version de 1898

Dans les années 1880 il revient à Berlin car “c'est là que se trouve le plus grand marché de l'art“, à juste titre, la capitale est devenue tentaculaire et très industrialisée, de plus d’un million d’habitants dont certains fort riches.

Chez des amis,  Liebermann découvre des toiles de Manet et de Degas ; le groupe de peintres français l'accompagnera alors le reste de sa vie et il leur achètera ce qui sera le début d'une collection exceptionnelle. Lui-même devient un représentant de l"’impressionnisme allemand", intronisé membre de la communauté des artistes berlinois.  En 1889, se tient à Paris l’Exposition Universelle, Liebermann y présente les grands noms de la peinture allemande et se fait ainsi connaître de nombreux publics.

Evolution, Honneurs - Son père - qui meurt en 1894 - lui lègue  sa fortune et son hôtel particulier au coeur de Berlin. Il y  installe son atelier et sa collection. Liebermann n’a jamais connu l’angoisse des artistes bohêmes, sans le sou mais tenaillés par une créativité bouillonnante.                     

Toutefois, ouvert aux nouvelles tendances, peu novateur lui-même, il va jouer un rôle de premier plan au sein de la Sécession Berlinoise qui se distancie de la peinture académique. Simultanément, il réalise des toiles de tendance impressionniste - Degas fait l’éloge du tableau “Garçons se baignant“ - mais également des portraits comme ceux de Richard Strauss ou d’Albert Einstein, au point de devenir le peintre le plus en vue de Berlin. En 1897, l’Académie des Beaux-arts lui consacre une exposition. Cependant, pour Liebermann, la création devant  provenir de l’observation du réel, Il va rejeter toute évolution vers l’art abstrait et l’expressionnisme. En 1911, il abandonne la présidence de la Sécession et va vivre fréquemment à la Villa, son refuge.

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Le banc du jardinier - 1916

Montée du nazisme - En 1914, il rejoint la Société allemande de tendance “libérale conservatrice” ; puis  rétrospective de ses œuvres. En 1920, toujours à l’affût des honneurs, il est nommé Président de l’Académie des Beaux-arts, mais  il va  se trouver au centre du débat sur la peinture moderne en Allemagne. Bien que n’appréciant pas l’expressionnisme, son esprit libéral va le conduire à lui faire une place**.

Or, à la suite d’un différend grave avec le peintre Emil Nolde - antisémite - Nolde crée la Nouvelle Sécession à laquelle se rallient les membres du courant génial Die Brücke de Dresde.

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 Fleurs vivaces devant la maison du jardinier - 1926

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Terrasse de restaurant sur la Havel - 1916

Ironie du sort, au cours de la campagne contre  "l'art dégénéré ", de nombreuses œuvres de Nolde exposées dans les musées seront confisquées sur ordre des nazis…

En 1932, Liebermann quitte son poste de Président et assiste amer, à la montée du nazisme, les vainqueurs défilant devant sa demeure berlinoise, voisine de la Porte de Brandebourg. A la suite de l’ autodafé du 10 mai 1933, il résilie tous ses engagements officiels ;  il décède le 8 février 1935. Les médias évoquent peu l’événement. L’Académie ne lui rend aucun hommage : car les tableaux de Liebermann - citoyen juif - appartiennent aussi à "l"art dégénéré" (Entartete Kunst). Il ne verra pas la confiscation ni la destruction par les nazis d' une grande partie des œuvres d'une centaine de collections dans plusieurs villes d'Allemagne,  en 1937.

Sachant qu’elle est menacée de déportation, son épouse Martha met fin à ses jours en 1943.

Dans leur collection, figuraient 80 tableaux d’artistes impressionnistes et de l’École de Barbizon, ainsi que des estampes de Daumier, des eaux-fortes de Rembrandt et des gravures japonaises. Au début du régime nazi, Liebermann, puis sa veuve, en avaient mis quelques-uns à l’abri. Mais, Martha, soumise à la saisie de ses biens et aux restrictions financières, dut en vendre quelques-unes. La  villa est mise en vente forcée en 1940 ; vers la fin de la guerre, elle sert d’hôpital puis de club sportif avant de retrouver son âme en tant que musée Max Liebermann.

Sous la respectabilité, l'ignominie

Poursuivons à pied  la rue Groβen Wannsee, longeons plusieurs jardins. Nous parvenons devant un immense portail en fer forgé, poussons-le et, accueillis par deux putti de pierre, suivons l’allée de platanes. Dirigeons-nous vers la grosse villa patricienne néo-classique, de style Trianon, à colonnes grecques et statues, qui trône dans un superbe parc de 3 hectares donnant sur le lac. L'ensemble est majestueux et inspire le respect.

Le fardeau de la  “mal partie”

L’édifice est construit en 1914 par l'architecte Paul Baumgarten - celui de la villa de  Liebermann - pour Ernest Marlier , fabricant de produits pharmaceutiques. Cet homme avait déjà à son actif plusieurs laboratoires. Or, en 1905, l'Institut Pharmaceutique de l'Université de Berlin révèle que les médicaments de Marlier n’ont “pas les propriétés qui leur sont attribuées dans leurs informations de vente”. En 1907, le gouvernement allemand interdit la vente de certains produits douteux ; les ennuis commerciaux, financiers et juridiques s'accumulent pour Marlier. Puis au fil du temps, la situation devient telle que celui-ci est contraint de céder la villa toute fraîche. Il la vend en 1921.

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Façade de la Villa Marlier devenue “Lieu de mémoire et d’enseignement”.

Un second homme d'affaires véreux

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Façade donnant sur le lac

C’est  un certain Friedrich Minoux, industriel  ayant investi  tous azimuts dans l’énergie : gaz, charbon, électricité et pétrole, puis construisant un véritable empire dans l’automobile, le papier et l’acier, qui s’en porte acquéreur. Très opportuniste, en 1938, Minoux, aux idées proches du national-socialisme, “achète” à un juif contraint de vendre son usine de cellulose et de papier, pour 10% de sa valeur réelle... Il nourrit simultanément des ambitions politiques. Or, en août 1940 il est reconnu coupable de graves malversations passées, au détriment de la Compagnie de Gaz et d’Eau de la Ville d’ Essen. Il doit revendre la villa,  peu avant d'être emprisonné !

La mise au point de la descente aux enfers de millions de personnes 

L’événement tombe à point : le nouvel acquéreur n’est autre que la Nordhav-Stiftung, une fondation nazie créée officiellement par Reinhard Heydrich, devenu SS-Obergruppenführer, pour gérer les centres de vacances destinés au service de sûreté du Reichsführer-SS. Officieusement, Heydrich compte faire de la villa sa résidence privée,  beaucoup de dirigeants nazis cherchant à s’ installer dans ce faubourg cossu, au bord de deux magnifiques lacs, en spoliant les propriétaires de confession juive... 

L’endroit va rester associé à ce brainstorming monstrueux débouchant sur l’ensemble des projets les plus infâmes et paranoïaques qu’un cerveau humain puisse élaborer, qu’on va nommer la Conférence de Wannsee. C’est, en effet, le 20 janvier 1942, qu’au cours de cette conférence le SS-Obergruppenführer Reinhard Heydrich - qui dirige alors l’Office Central de la Sûreté du Reich, RSHA, sous les ordres de Heinrich Himmler -  expose à 14 représentants de tous les services concernés : organisations nazies, administration, police, secrétaires et sous-secrétaires d’Etat, devenant ainsi coresponsables,  les plans arrêtés pour l'extermination des Juifs du continent européen. 

L’ordre du jour porte sur l'organisation administrative, technique, financière et matérielle de ce qui est intitulé Endlösung der Judenfrage, la Solution finale de la question juive, formule émanant de Eichmann. 

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Reinhard Heydrich, bras droit de Heinrich Himmler

La convocation qui leur fut adressée précise : “le 31 juillet 1941, le Reichsmarschall du Grand Reich allemand m'a chargé, avec l'assistance des autres autorités centrales, de faire tous les préparatifs organisationnels et pratiques en vue d'une solution d'ensemble de la question juive et de lui faire dès que possible des propositions détaillées”.

C’est une réunion de technocrates haut-placés, non de décisionnaires puisque la décision avait été prise le 16 juillet 1941 par Hitler et Himmler, décidés à “faire table rase”. Il faut savoir que déjà, depuis l’invasion de la Pologne en 1939,  presque deux millions de Juifs, de communistes, de membres du clergé et de l’aristocratie ont été ghettoïsés ou massacrés par les kommandos d’extermination (Einsatzgruppen) qui suivent la progression des armées allemandes sous la domination nazie. Qu’en novembre 1941, tous les responsables nazis avaient été informés de l’intention d’Hitler d’expulser la totalité des Juifs d’Europe vers les territoires de l’Est et de les exécuter.

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Superbes jardins de la villa, donnant sur le lac et le Strandbad ,

un mini-paradis ensoleillé

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Prisonniers du camp de concentration d'Auschwitz, libérés par

les Soviétiques en janvier 1945

Et, qu’en janvier 1942, déjà plus d’un million de Juifs soviétiques, après l’invasion de territoires soviétiques, ont été éliminés par les Einsatzgruppen auxquels sont mêlés les  Ordnungspolizei et les Waffen SS formés avant l’invasion, tandis que ceux d’Allemagne, d’Autriche, de Bohême-Moravie et de Slovaquie sont déportés vers l'est, progressivement. 

Homme de confiance d'Hitler, Protecteur du Reich en Bohême-Moravie et Chef des services de sûreté nazis, Heydrich est donc grand ordonnateur de la Solution finale . À ce titre, il devient  l'homme le plus puissant d'Europe après le Führer qui l'a surnommé  l'homme au cœur de fer Wannsee lui permet de dominer les autres services ainsi que d'être la figure la plus visible du IIIe Reich et de la violence nazie.***

La conférence ne dure que 2 heures à l’issue de laquelle les participants portent un toast en dégustant un verre de cognac. Elle marque ainsi le passage de la dimension nationale de l'abomination à l’échelle continentale. Le protocole rédigé par Adolf Eichmann fixe donc cet objectif : l'éradication de onze millions de ses semblables. Onze millions, cela vaut bien une bonne rasade de fine champagne millésimée ! 

Une “feuille de route” est établie pays par pays.

Reinhard Heydrich, également gouverneur de Bohême-Moravie depuis huit mois, ne survit pas longtemps à cette réunion. Il meurt de ses blessures quelques mois plus tard, le 4 juin 1942, à la suite d’un attentat le 27 mai 1942 perpétré par trois résistants tchèques et slovaques, parachutés depuis l’Angleterre. Sur son passage, ceux-ci lancent une grenade antichar sur son cabriolet Mercedes décapoté qui ne bénéficiait d'aucune escorte. La punition fut terrible....    

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Etat de la Mercedes de Heydrich après l'attentat

Le destin de la villa

La villa est cédée directement au RSHA (l’Office central de la sûreté du Reich), mais garde les mêmes fonctions. Après la guerre, elle est occupée par des troupes soviétiques puis américaines (Wannsee est alors dans le secteur américain),  avant d'accueillir, entre 1952 et 1988, les classes vertes des écoles du même secteur.

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Joseph Wulf en conversation avec le grand écrivain Ernst Jünger en 1967

En 1952, un certain Joseph Wulf, historien juif polonais de formation rabbinique, dont l’œuvre demeure méconnue, survivant de la Shoah - déporté à Auschwitz; il a réussi à s'enfuir lors d'une marche de la mort. (en effet, lorsque les Alliés en 1945 se rapprochèrent des camps d'extermination allemands en territoire polonais, les SS firent évacuer ces camps à marche forcée, ce qui provoqua la mort de plusieurs dizaines de milliers de prisonniers )  s’installe à Berlin ouest.

Il tient à  faire connaître au grand public la villa comme étant le lieu de la Conférence de Wannsee ; pour cela, il écrira un essai-témoignage intitulé L’industrie de l’horreur. 

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Une des salles d'exposition d'archives du Lieu de mémoire et d'enseignement

Il va s’évertuer,  dès 1965, à y mettre en place un "Centre de documentation international pour l’étude du national-socialisme et de ses conséquences", tentant ainsi de confronter la société ouest-allemande aux crimes perpétrés sous les nazis. Projet plus que délicat, voire tabou, 20 ans seulement après la fin des hostilités. En vain. Déçu et amer, il se suicide en 1974. Ce n'est qu'en 1992, - soit 37 ans plus tard, - que l’endroit est inauguré officiellement comme "lieu de mémoire et d'enseignement". On a supprimé hypocritement "national-socialisme."

En guise de conclusion à cette promenade "idyllique" au Wannsee, je fais appel à l'écrivain italien Primo Levi (1919 - 1987) - pour lequel “témoigner, encore et toujours, est  un devoir” -  célèbre pour son livre Si c'est un homme, dans lequel il relate sa détention au cours de l'année 1944 au camp d'Auschwitz-Monowitz : “Ce qui a eu lieu est une abomination qu'aucune prière, aucun pardon, aucune expiation, rien de ce que l'homme a le pouvoir de faire ne pourra jamais réparer.” **** 

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Primo Levi (1919 - 1987) en 1980

Delphine d'Alleur - 2025

Notes : * chanson interprétée en 1951 par la jeune Cornelia Froboess et devenue une  rengaine diffusée à longueur de journée à la radio

**  Il déclare dans un discours : "Quelqu'un qui a fait l'expérience, dans sa jeunesse, du rejet de l'impressionnisme, se gardera bien de condamner un mouvement qu'il ne comprend pas ou ne comprend plus, notamment en tant que directeur de l'Académie, qui, aussi conservatrice soit-elle, se figerait totalement si elle désapprouvait systématiquement la jeunesse.” 

***  Edouard Husson - Conférence-débat du 15 mars 2006  Les historiens allemands et la Shoah;

**** Si c’est un homme - Turin - Éd. Da Silva - 1947 

   Rérérences  

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